Les frères Joseph et Pierre Mougin

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Joseph (1876 – 1961) et Pierre Mougin (1880 – 1955), céramistes et sculpteurs nancéens, furent contemporains de l’Ecole de Nancy et de l’émergence de l’Art Déco . La "passion du feu" qui s’est rapidement emparée de ces deux frères les aura animés tout au long de leur vie.

 

Les frères Mougin

 

Captivé par la science, l’horticulture ou encore la biologie marine, le jeune Joseph Mougin semble prédestiné aux thématiques chères à l’Art Nouveau végétal lorrain. Apès des études d’art dont il tire de nombreuses influences, tant de ses professeurs (Bussière, Bergé…) que de ses camarades (Lemarquier…), il découvre sa vocation lors d’une exposition posthume du grand céramiste Carriès. De son côté, Pierre, admirant le talent de Sarah Bernhardt, prend des cours de théâtre pour préparer le Conservatoire mais abandonne rapidement pour se laisser séduire par l’enthousiasme de son frère, sans savoir à ce moment que cette passion lui durerait également toute sa vie.

Les premières œuvres des frères Mougin combinent les cristallisations avec les glaçures, faisant preuve d’un sens aigu du détail tout en préférant le lyrisme au réalisme. Pour la première partie de leurs œuvres inscrites dans l’Art Nouveau, c’est entre naturalisme végétal traduit par le grès et symbolisme féminin sous forme de statuettes en porcelaine que les deux frères expriment leur art. Cette dichotomie se retrouve d’ailleurs souvent réunie dans une même œuvre, au fil notamment des influences de Joseph que sont Injalbert, Max Blondat, Rops ou encore son grand ami Victor Prouvé pour qui l’artiste éprouve beaucoup d’admiration.

 

Joseph Mougin Pierre Mougin

 

Au sortir de la guerre, le contexte économique peu favorable à la vente de leurs œuvres leur fait voir comme un salut la proposition d’embauche de Fenal, propriétaire de la faïencerie de Luneville. Les frères Mougin se moquent des étiquettes, oscillant entre artistes et artisans, céramistes et sculpteurs... Après avoir accompagné l’essor de l’Ecole de Nancy sans réellement y prendre officiellement part, ils expérimentent de façon prometteuse le potentiel de l’Art Déco, qu’ils exprimeront ensuite dans les  conditions de vie et de travail luxueuses dont ils bénéficient à Lunéville : formes géométriques, épuration des lignes, simplification des volumes… Les artistes rencontrent un tournant décisif dans leur œuvre mais également dans leur vie. Car en contrepartie, les deux frères ont  une obligation de rendement conséquente avec de la production en série pour certains modèles.

Les frères Mougin ont édité de nombreux artistes durant toute leur vie. En tant qu’artistes complets, ils se sont formés sur toutes les étapes de leur art depuis la préparation des matières de base jusqu’à la délicate cuisson des œuvres. En louant leurs services à d’autres céramistes, Joseph et Pierre bénéficient d’un complément financier qui leur permet de subsister tout en effectuant le long et couteux travail de recherche sur leurs propres œuvres. Parmi les artistes édités, on trouve des figures majeures de l’Ecole de Nancy tels que Bussière et Barrias, anciens professeurs de Joseph. Des amis proches des frères également : Prouvé, Wittman, Majorelle… Mais aussi de nombreux artistes de l’Art Déco édités à la manufacture de Lunéville : Condé, Goor, Guillaume, les frères Ventrillon… Les Mougin ont également effectué de nombreuses reproductions d’œuvres de musée, la plupart des modèles sont des jalons de l’histoire de l’art. La bourgeoisie, très friande, est bon public et assure aux frères un bon équilibre financier.

 

Joseph Mougin

 

A la faïencerie, des tensions se développent au fil des ans entre le propriétaire et Joseph connu pour son fort tempérament. En 1933, Joseph quitte l’entreprise marquant une rupture avec son frère qui choisit de rester. Mais sans Joseph, Pierre perd sa motivation et part trois ans plus tard. Il finit sa vie dans une maison de retraite où il décède en septembre 1955, tandis que ses enfants se tournent vers d’autres voies. Joseph aidé par ses amis et sa famille parvient lui à se remettre à la tâche. Il devient obsédé par ses recherches sur l’émail.  Son art devient extrêmement dépouillé privilégiant le travail de la matière à celui de la forme. Sa santé se dégradant, ses enfants sont là pour l’aider dans sa tâche, héritant ainsi de sa passion du feu. Joseph décède en novembre 1961. Sa fille Odile, après avoir étudié aux beaux arts de Nancy, devient céramiste reconnue dans un style expressionniste abstrait. François, le cadet, est attiré par le décor ornemental peint, ses émaux mats portent des abstractions aux couleurs subtiles. Il devient dans un second temps professeur de céramique à Longchamp. Bernard Mougin, dédie sa vie au modelage et à la sculpture, lui valant le premier second Grand Prix de Rome, avant d’évoluer vers la grande statuaire, s’exprimant essentiellement par le bronze et le marbre. Enfin, Jean, l’ainé, se passionne pour l’histoire de l’art, et contribue à promouvoir l’œuvre de son père.